Et voilà. Je me suis mis les pieds dans mes bottines; c’est-à-dire, ma nouvelle botte style – attelle de cheville.
La veille, j’ai essayé une paire de bottes de rêves; Des Fleuvog!! Un prix de fou, mais mon doux, mon cœur courrait de joie, un vrai marathon d’émotions! J’ai tellement voulu les acheter, mais j’ai mis un petit hold sur l’achat.
La journée suivante de cette rencontre avec ma botte de rêve, je suis allée faire une randonnée dans un parc régional à 1h30 de route de chez moi avec mon chien Yoko. C’est un super beau lieu avec une rivière qui longe les sentiers. L’été est presque terminé, après tout, et elle ne s’est pas baignée tout le long de cette belle saison estivale.
Yoko, c’est ma fidèle protectrice, mon chien de 10 ans, qui est super intelligente et encore plus affectueuse.
Mon autre chien, Ice, est décédé il y a 3 mois, et Yoko a vécu, comme moi, un deuil assez douloureux. Nous sommes tranquillement, ensemble, en train de trouver une routine et une vie normale sans cet être majestueux qui était si présent et qui occupait tellement d’espace; sa présence se faisait sentir autant par sa taille que par son caractère inoubliable.
Mais les dernières semaines, nous avons perdu pied avec les nouvelles que ma petite Yoko est atteinte de cancer, en plus d’avoir été diagnostiquée avec toutes sortes de problèmes de santé. Les nouvelles sont bouleversantes, je me sens noyée d’émotions, avec mes pattes figées dans un bloc de béton sous un torrent d’émotions et de larmes. Donc, la petite promenade dans le bois était pour être un petit remède à cette douleur, et je me suis dit, là où le cœur va, les pieds, eux, doivent y aller aussi. Allons tremper nos orteils et nos griffes dans une rivière.
Bien sûr, comme toute bonne marcheuse, j’ai une bonne paire de bottines de randonné. Mais comme toute bonne personne à l’esprit libre qui se dit que délacer des souliers prend trop de temps quand je serais au bord de la rivière, j’ai privilégié mes joggers, qui ne recouvrent pas mes chevilles.
Ce fut une promenade très joyeuse, calme et enrichissante. Yoko s’est amusée pleinement, à renifler toutes les odeurs de nature et en se baignant à volonté dans une eau pure et radiante. Je me sentais reposée, et heureuse de donner ces moments de joie à ma belle Ono.
J’ai pris un chemin un peu plus boisé pour le retour à la voiture. Il y avait des roches et un terrain dénivelé. Ce n’est rien d’anormale, et c’est un type de parcours que j’adore. Mais il faut que j’admette à moi-même quelques constatations. Je suis un peu maladroite, et je n’ai pas beaucoup d’équilibre. J’ai 2 pieds gauches. De plus, je me suis blessé la cheville droite il n’y a pas si longtemps, au travail. J’ai une cheville fragile.
Nous avons entamé un exercice d’évacuation de notre bureau. L’alarme a sonné, et le personnel s’est dirigé vers les sorties préétablies, en suivant les consignes des brigadiers. Notre porte fut celle la plus proche de nos postes de travail. J’étais la 2e personne à sortir de la sortie d’urgence. Qu’arrive-t-il en descendant les marches toutes rouillées? Et oui, la marche cède, je cale, et ma cheville se tord. Heureusement je ne me suis pas coupée sur le bord rouillé, et que ma blessure ne soit pas plus grave que ça, mais surtout, que j’ai pu réagir afin d’éviter que d’autres personnes soient blessées. Et j’ai dû enquêter mon propre accident de travail.
Bien sûr, l’inévitable s’est produit en me promenant avec Yoko. Mon pied droit glisse, et je tords ma cheville, mais pas à peu près. La douleur est instante et intense. Je ne peux pas me relever, je le sais aussitôt que c’est grave. Je suis à une très bonne distance de ma voiture, et encore plus loin de chez moi. Toutes ces pensées passent à travers mon corps, jusqu’au dernier petit ongle de mon plus petit orteil du pied droite, qui est en train de me renvoyer des signaux aux plus petites cellules de mon cerveaux que je ne peux pas bouger.
Heureusement j’ai croisé un couple promenant un chien qui m’ont vu accroupie. Ils m’ont offert de l’aide, j’en suis si reconnaissante. Ils m’ont donné une bouteille d’eau froide que j’ai utilisé comme compresse sur ma cheville, une débarbouillette et un élastique pour entourer ma cheville afin de donner un support. Ils sont restés avec moi jusqu’à que je puisse avoir du courage pour retourner à mon véhicule.
Pauvre Yoko. Le retour fut difficile, une marche très au ralenti, sur le bord d’une rivière et elle ne voulait que d’aller se baigner. Je n’ai pas pu la laisser faire; il fallait que je rentre chez moi.
Le lendemain, je me dirige vers une clinique, avec le pied tout enflé, pour recevoir le diagnostique que c’est des ligaments déchirés, avec un temps de convalescence d’environ 6 semaines, et on me met dans une belle botte « air cast » / attelle de cheville.
Où suis-je rendue maintenant, autre qu’avec les pieds dans les plats, c’est dans la réflexion.
Réflexion # 1 :
Est-ce que ma blessure aux pieds est symboliquement importante, est-ce une indication de quelque chose plus profond?
Je me souviens de ma blessure au cou et aux épaules, qui m’a atterri pendant presque un an, avec des séquelles encore plus longues, voire 3 ans. C’était une entorse cervico/dorsale, un accident de travail. Au moment de la blessure, et subséquemment après, j’avais la pression du monde sur mes épaules. Ma vie était Stressante avec un « S » majuscule. Je ne voyais pas les portes de sorties, et j’avais des responsabilités énormes. Pouvais-je en sortir? Ma blessure s’est colmatée réellement quand j’ai commencé à prendre un virage et que j’ai cherché de l’aide (thérapie) pour régler mes problèmes.
Où suis-je aujourd’hui? Pourquoi je trébuche tant? Je suis à la recherche, une vraie quête, qui a commencé au-delà d’un an, à me trouver, me retrouver et trouver ma place en société. J’ai fait des gestes, j’ai changé de cap, de carrières, mais je ne suis pas encore au point, à la fine pointe des choses, je ne suis pas encore chez moi dans mon intérieur. Je prends un pas, deux et trois autres. Je trébuche. Je recule d’un pas. Et le cycle recommence. Mais je me vois infiniment plus proche d’où je veux être.
Une amie m’a dit qu’elle pense que je mets la barre si haute pour moi-même. Elle ne pense pas que je trébuche, mais seulement qu’à cause que je me suis mis tant d’attente, tant d’espoir et d’espérance, que cela me prendra un moment de plus pour m’y rendre. Je dois donc lâcher prise, ou lâcher pieds, laisser mes pieds m’amener là où mon cœur le désire, sans questionner les petits cailloux dans le chemin qui se retrouvent dans le fond du soulier. Je n’ai qu’à enlever et secouer mon soulier, pour revenir à neuf.
Réflexion # 2 :
Oui, je suis maladroite, gauche, gauchère, avec deux pieds gauches, je mets mes pieds dans les plats, je trébuche souvent, autant sur un sol stable et nivelé que sur mes mots.
C’est le temps de l’admettre. Mais est-ce qu’être gauche et gauchère est une malédiction ou plutôt le contraire? Peut-être que je devrais me dire que cela fait partie de mon charme, que ma moule n’est pas aussi carrée que la norme et que mes pieds sont plutôt flexibles. Il faudrait seulement que je me souvienne, de porter des bottines de randonnée la prochaine fois que je me promène dans le bois, ou que je porte des gougounes pour marcher 10 kms. Et quand mes paroles sortent plus rapidement que les neurones-filtres de mon cerveau … je me dois de me dire que c’est grâce à un richissime d’idées et de créativité.
Réflexion # 3 :
J’ai des convictions disparates, une panoplie d’opinions et une diaspora de croyances, qui vont de temps en autres (ok fréquemment) dans un contre-sens de ce dont je crois/dis. Je suis une dichotomie bipodale, une antithèse sur pieds.
Prenons comme exemple, les bottes :
Moi, féministe, qui dénonce avec véhémence les stéréotypes et définitions des modèles de la féminité et masculinité, tout ce qu’implique les exigences sociétales de la féminité. L’emphase pour rendre les femmes comme des poupées, sans voix, sans pouvoir, mais de toute beauté pour le bénéfice de corporations gérés par des hommes et d’hommes qui trippent sur leurs égo-trips, tout ça, ça me dérange au fond de mon âme. Les femmes, qui se sentent obligées de se maquiller, de se pouponner, de s’épiler, de se sexualiser, de se réduire, de se valoriser par leur façades extérieurs, maudit que ça me dérange.
Et pourtant, moi, j’adore porter des talons hauts. Du moins, certains styles de talons hauts. Je collectionne les souliers. Mais pour être fair (juste), j’ai aussi une prédilection pour des Vibram 5 fingers, et des bottes de construction, des gougounes, et d’être nu-pieds.
Et les bottes flyées, les Fleuvog; pourquoi elles m’attirent tant? Moi qui me soustrais de tout ce qui est « name brand ». Elles sont si coûteuses, ces bottes si chères que je chéris. Moi qui essaie de prendre des décisions consciencieuses et conscientisées, en tenant compte des disparités monétaires entre nous tous et toutes. L’argent que coûte ces bottes, et bien, ça pourrait nourrir une mère monoparentale et ses deux jeunes enfants pour un bon long bout de temps.
En contrepartie, j’étais une mère monoparentale, qui a souffert, psychiquement et financièrement.
Durant mon séjour à l’Université Concordia pour mon baccalauréat en beaux-arts, j’ai fait une installation sculpturale de rideaux; un rideau pleine grandeur de bouteilles de Tylénol, un deuxième de balais, un troisième de paquets vides de Diner Kraft, et un dernier de souliers à talons hauts. L’installation a incorporé une performance, avec des enfants de dix ans qui manifestaient avec leurs pancartes, en exhortant un chant de «NO MORE KRAFT DINNER! WE WANT LOBSTER! »
Mes souliers Fleuvog, est-ce mon chant liturgique pour le homard tant désiré? Le macaroni couvert de sauce orange fluo, en effet, ça ne me fait pas courir des cercles de bonheur.
Réflexion # 4 :
Ah oui, celle-là, je dois l’admettre, autant à moi-même qu’aux autres. J’aime le spotlight.
Quand j’étais jeune enfant, j’étais plus que toute petite, on me surnommait cure-dent. On aurait pu souffler tout doucement sur moi, et je serais tombée pleine face sur le sol. Je recevais les vêtements seconde main de toutes mes grandes cousines, passés modes, et tellement trop grands pour ma petite taille. Mes pantalons et robes pendaient sur mon corps mince comme un fantôme sous un drap, tous soutenus par des épingles en pleine évidence. On se moquait de moi. Je n’avais pas de voix. On me tourmentait, on me poussait. J’étais malheureuse.
Un bon jour, à l’âge de 11 ans, j’ai décidé de prendre ma place. Je me suis révoltée. J’ai poussé mes tourmenteurs. On a arrêté de me bousculer.
À 13 ans, j’ai fait une découverte inconsciente; je n’étais pas comme les autres, celles que je voulais tant mimiquer. Lentement, c’est devenu une vraie découverte. OWN YOUR DIFFERENCE. Sois fière de ta différence. C’est là au secondaire 2 que j’ai commencé des collections de vêtements, d’articles et d’accessoires. Je portais des chapeaux avec des plumes et des rubans multi-couleurs. Je collectionnais des papillons-nœuds que je portais tout le temps, des cravates, des jupes avec des couches de matériel à perte de vue, je cousais mes propres robes kaléidoscopiques, je les épinglais à l’infini, il n’y avait rien hors limites.
Ces jours-ci, le spotlight se manifeste différemment. Par le travail. En faisant des conférences. À travers mes projets créatifs. Par le décor intérieur et extérieur de mon chez-moi. Dans mes tableaux et sculptures. Dans mes écrits. Avec mes actions communautaires et sociétales.
Mais de temps en autres, c’est plus fort que moi; le spotlight, il doit se manifester plus directement. Il m’exhorte, il m’interpelle, et je suis dans une trance sans fin.
Il y a un vieux proverbe Basque. « Il n’appartient pas à tous pieds de porter de rouges souliers ». Mes pieds, eux, appartiennent à la paire de bottes rouges de Fleuvog. Et de toute façon, elles vont aider à soutenir ma cheville en place, aussitôt que l’enflure soit réduite un peu. Je le fais pour réconcilier ma blessure.
belle plume .
bonnes reflexions .
a mon avis ….. il est préférable de ne pas porter ces bottes avant Noel.
Ah, mais pourquoi attendre à Noël? Merci de ta rétroaction!